DÉCEMBRE 2015 - N°27

Du mythe d’Asclepios au Big Data

par le professeur Dominique Charron, Hôpital Saint Louis et APHP Paris

L’exploitation des données médicales individuelles que permet la révolution du Big Data pose un redoutable problème de fiabilité. Comment s’assurer de la rigueur des procédures de traitement des données et de la compatibilité des modèles d’interprétation ? Il est un domaine de la médecine, celui de la médecine biologique, où cette exigence de qualité pourrait inspirer d’autres disciplines.


Du mythe d’Asclepios à la médecine 4P - Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative - du XXIème siècle, la pratique médicale a évoluée via des changements de paradigmes successifs. Si l’empirisme observationnel d’Hippocrate a fondé la médecine de l’individu, les évolutions scientifiques et technologiques ont produit des ruptures. Ainsi la vaccination - Jenner et Pasteur - a introduit la dimension collective et publique en médecine alors que la génétique a apporté des bases scientifiques à la prédiction et à la prévention. La prise de conscience que les données médicales individuelles seront une source exceptionnelle de valorisation tant pour les individus que pour la société met le thème du Big Data au centre des préoccupations des acteurs de la santé publique et privée. J’ai souhaité contribuer ici ponctuellement au débat en relevant des aspects spécifiques concernant ma spécialité : la biologie médicale.

Il n’y a pas d’avenir au Big Data sans que les données individuelles qui en constituent le socle soient soumises à une exigence de qualité et que celle-ci puisse être vérifiable. Des procédures, nomenclatures et standards sont requis à tous les niveaux du recueil, du stockage, de la curation, de l’agrégation, de l’analyse et de l’exploitation des données. Toute anomalie, erreur ou omission dans ce domaine est susceptible d’entrainer la corruption de la chaine de valeurs du Big Data. Heureusement, il est un domaine de la médecine qui est déjà très engagé dans une démarche qualité. Il s’agit de la biologie médicale, initiée il y a plusieurs décennies, en premier dans le domaine de l’histocompatibilité (typage HLA) afin de permettre la comparabilité des données d’identification biologique des individus (donneur et receveur) en transplantation et les échanges internationaux des organes et des cellules souches hématopoietiques. La communauté HLA a élaboré une nomenclature, des standards et organisé des contrôles de qualité afin que la compatibilité puisse être anticipée sur des résultats obtenus dans des laboratoires différents hématopoietiques. Une politique d’accréditation des laboratoires a été mise en place.

Cette démarche de qualité s’est étendue à l’ensemble de la biologie, et en premier à la génétique dans le cadre des programmes sur le génome humain. Désormais l’ensemble des actes de biologie médicale réalisés en France doivent émaner de laboratoires accrédités (accréditation COFRAC). Dans la mesure où les analyses biologiques sont des éléments essentiels des diagnostics (70%) et du suivi thérapeutique, les données individuelles générées dans ce cadre sont immédiatement intégrables au Big Data sur le critère de qualité.

Ainsi la biologie médicale est-elle déjà un élément essentiel et incontournable de la médecine irréprochable à laquelle nous - individus et société - aspirons tous.

HLA, immunogenetics, pharmacogenetics and personalized medicine.
Vox Sang. 2011 Jan ; 100(1):163-6

Auffray C, Charron D, Hood L.
Predictive, preventive, personalized and participatory medicine: back to the future.
Genome Med. 2010 Aug 26 ; 2(8):57

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