FEVRIER 2014 - N°22

Formation, éducation, métier : chaque jeune Français détient la clé de son avenir

par Armand Braun, président de la Société Internationale des Conseillers de Synthèse

De nouveaux métiers apparaissent, d’autres disparaissent, d’anciens métiers renaissent, l’éventail des choix de carrières n’a jamais été aussi large pour les jeunes Français, pour peu qu’ils voyagent, qu’ils ouvrent les yeux, qu’ils s’informent et qu’ils échappent aux diktats de la famille et du lycée.


En 1987, j’ai créé avec mon épouse L’Aventure des métiers, un salon qui se tenait à la Grande Halle de la Villette et, pendant une semaine, accueillait bon an mal an 150 000 à 200 000 collégiens venus de toute la France pour découvrir les métiers présentés par ceux-là même qui les exerçaient. L’événement a été répété chaque année jusqu’à ce que, dans sa grande sagesse, Claude Allègre ne le récupère et le noie dans le cadre du Salon de l’Education, à la Porte de Versailles...

J’y ai observé les enfants et je les ai écoutés. S’il est un thème qui revenait chez tous, de mille manières, c’était : « c’est à moi qu’il revient de conduire ma vie ». J’ai été impressionné par cette détermination de tous à assumer eux-mêmes la responsabilité de leur avenir. C’est pourquoi nous devions les aider à ne pas trop écouter leurs professeurs et, le week-end, à échapper à leurs parents : ces jeunes visiteurs, quelle que soit la nature du métier dont ils rêvaient, comprenaient intuitivement qu’eux seuls détenaient la clef de leur avenir.

La conviction que j’ai retirée de cette expérience demeure. Quelqu’un l’a exprimée mieux que je ne saurais le faire : dans son film Les Sept Samouraï, Kurosawa faisait dire à un de ses personnages : "Les gosses en font souvent plus que les adultes, pourvu qu'on les traite en adultes".

Le temps a passé. Beaucoup de données ont changé, parfois dans des conditions inconcevables à l’époque de l’Aventure des métiers. D’autres sont en train de surgir.

De nouveaux métiers apparaissent et d’anciens métiers revivent. On a beaucoup parlé de l’école de formation au numérique de Xavier Niel et il se crée des écoles pour les métiers de bouche, les métiers d’art, d’autres savoir-faire artisanaux. Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher à Asnières et grand communicateur devant les médias, a métamorphosé l’image de sa profession, obtenant notamment de longs reportages dans le New York Times et le Wall Street Journal.

Chaque employeur veut s’assurer les services des meilleurs ; la rencontre de l’offre et de la demande revêt des formes originales. Un marché mondial des talents surgit. Initialement il portait sur des formations et des métiers rares, liés pour la plupart aux nouvelles technologies de l’information. Désormais, il concerne tous les métiers qualifiés (c’est ainsi que, dans mon propre entourage, un architecte a trouvé un emploi à Chicago et un pâtissier à Macao) et tend à formater aussi les activités non qualifiées.

D’un côté, cette mondialisation durcit la concurrence ; de l’autre, elle favorise la réinvention de métiers et de leur enseignement. Les MOOCs permettent à tous d’accéder à la formation de leur choix, dans les pays du Sud comme dans ceux du Nord ; avant peu, des dizaines de millions de personnes obtiendront ainsi des diplômes d’universités prestigieuses et se présenteront sur le marché avec des CV d’un type nouveau.

Le monde s’adapte à cette nouvelle réalité. A notre modeste échelle (à côté d’autres facteurs, notamment fiscaux), l’existence de ce marché mondial explique le fait que chaque année des dizaines de milliers de jeunes Français s’expatrient pour un emploi. Quelques nations - l’Australie a été la première, la Grande Bretagne avance très vite - ont compris avant nous la chance qu’il pouvait représenter. Savons-nous que nous-mêmes sommes déjà demandeurs de compétences sur ce marché mondial, par exemple parmi les managers et les universitaires ?

La France devrait opter délibérément pour une vocation d’attracteur majeur en termes de formation aux talents. La compétence vérifiée est en train de devenir l’un des premiers marchés dans le monde. Seuls en Europe, nous avons la chance d’avoir une jeunesse nombreuse ; notre appareil de formation a de beaux restes ; nous sommes la patrie de métiers en grand nombre dont beaucoup sont rares. Nous mettons en œuvre sur le territoire national de nombreuses compétences avancées. Nous sommes une nation de vieille culture qui est aussi en phase avec notre temps. Nous cherchons actuellement à promouvoir d’autres domaines - l’industrie entre autres - mais ceux-ci sont eux-mêmes déterminés dans leur développement par la qualité des compétences qu’ils sauront attirer.

Voilà une perspective ouverte à la création de richesses, une chance de réaffirmer notre rayonnement, un champ sur lequel notre réussite dépendra avant tout de nos efforts. Par contre il est devant nous, le choc wagnérien des cultures entre nos systèmes éducatifs bureaucratiques et méritocratiques et une réalité fondée sur l’initiative individuelle, la responsabilité de chacun vis-à-vis de son destin et la parité d’estime entre tous les métiers. Mais y-a-t-il beaucoup d’autres domaines dont nous puissions être sûrs, à cette échelle, que la France y trouvera un avenir ?

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