FÉVRIER et MARS 2015 - N°25

La France au lendemain des journées de janvier 2015

par Michel Rouger, président de l’institut Presaje

Les événements dramatiques qui ont soulevé d’indignation le peuple français au début de cette année 2015 ont tout à la fois réveillé les fantômes du passé et ravivé les blessures d’aujourd’hui, constate Michel Rouger. Axée sur la réflexion autour du Droit, de l’Economie et de la Justice, Pres@ge.Com consacrera son prochain numéro aux enjeux de notre modèle républicain. Sous le titre « Information et démocratie à l’heure du numérique », la présente édition se propose d’en être l’introduction.


La lettre Pres@ge.Com participe à la presse d’opinion, celle qui pense avant d'échanger et réfléchit avant de publier. Sa parution trimestrielle correspond au sérieux des sujets traités : Droit, Economie, Justice. Lorsque la conférence de rédaction de décembre a préparé cette lettre, il était connu, de longue date, que les guerres qui déchirent le Moyen-Orient engendreraient des mouvements fanatiques prêts à combattre les démocraties et tenter de les abattre, en représailles aux actions militaires qu’elles mènent pour les empêcher d’étendre la domination de leur Foi sur les Lois par lesquelles les peuples ont choisi leur mode vie.

On sait par quel enchainement de circonstances et de décisions démocratiques la France a vécu ce rendez-vous dramatique avec son histoire : la fin de son Empire colonial et le rapatriement brutal des Français d’Algérie, l’immigration massive de main-d’oeuvre industrielle nord-africaine, suivie de son regroupement familial, l’abolition de la conscription, qui a privé la Nation du rôle intégrateur de l’Armée, la bureaucratisation de l’Ecole et de la Justice qui ont différé les adaptations voulues par les plus lucides de leurs ministres démissionnaires face aux jeunes « sauvageons » abandonnés par l’Etat.

C'est ainsi que la France vit cette tragédie. Elle provoque des réactions dont le salutaire et le durable le disputent à l’excessif et à l’éphémère. L’urgent est d’attendre la prochaine lettre de Pres@je.Com, en laissant se dissiper la fumée des incendies allumés par les assassins, et s’évacuer l’eau des pompiers qui s’affairent jour et nuit.

L’analyse des effets prévisibles sur le Droit, l’Economie et la Justice exige une réflexion qui dépasse cet éditorial. En espérant que le pays évite ses classiques guerres civiles tièdes qui opposent les mouvements d’opinion attachés à la démocratie parlementaire ouverte au monde, et ceux qui préfèrent un Etat autoritaire replié sur lui-même.

Les sujets ne manquent pas.

On savait que les fanatiques religieux useraient des techniques de la cyberguerre pour contrer les guerres technologiques des armées des « mécréants ». Ce qui était une hypothèse cachée est devenu une réalité admise, dans la longue durée. L’action et la réaction ont changé le paysage qu’il faut redessiner. L’économie s’y adaptera-t-elle ?

L'action a été structurée par les outils numériques, les smartphones et les réseaux qui ont servi aux agresseurs aussi bien qu’aux agressés et aux services de sécurité. L’utilisation bivalente, bien et mal, de ces outils impose une révision des concepts de contrôle des moyens offerts sur les marchés. Le Droit et la Justice le pourront-ils ?

La Loi et son respect par tous, pièce maîtresse de la démocratie, vit en permanence une alternance proclamation/abrogation qui la rend incompréhensible, qui lui vaut les critiques des plus hautes autorités et qui la soumet aux directives de l’Union européenne, plus appliquées en râlant qu’expliquées en formant celui qu’elle contraint. Comment les législateurs et les juristes vont-ils aider le pays à sortir de ce marasme ?

La puissance des réseaux numériques a amplifié les réactions populaires que, pour la première fois, il a été impossible de prévoir. Les risques d’une telle situation ont été maîtrisés par un chef d’Etat, qui a fait bon usage de sa nature débonnaire. Qu’en sera-t-il d’un successeur d’un tempérament différent ? Les institutions pourront-elles préserver la démocratie des réactions excessives stimulées par les pulsions des réseaux ?

Les réactions médiatiques, hyper bruyantes pour le concept de « Charlie », hyper silencieuses pour les marches, n’ont pas livré leur nature, numérique ou politique. Une réponse qui collerait au temps de l’info télé ou du web ne pourra qu’être ambigüe. Surtout sur le sens de la présence, à Paris, de dirigeants étrangers issus de nations occupant la moitié de l’hémisphère nord et qui vivent, depuis des millénaires, leurs conflits entre les trois grandes religions du Livre, leurs guerres, leurs croisades, leurs conquêtes coloniales, plus les génocides du XXème siècle. Comment prendre le temps d’expliquer ?

Sans oublier l’essentiel, la jeunesse présente sur le sol de France, celle qui y trouve sa nationalité, mais pas son identité. Que signifie, pour elle, cette notion de laïcité vénérée par ceux qui furent formés par les « Hussards noirs » d’une Instruction publique aujourd’hui raillée ? Comment la faire adhérer à la République une et indivisible alors que les réseaux du monde entier lui font vivre de multiples communautés ?

Le décryptage des messages adressés à la France par son histoire exigera du temps.

Espérons qu’aucun gros pépin, hélas latent, ne plonge le pays dans une guerre civile, chaude, attisée par les ennemis de la cyberguerre, plus violente que les guérillas urbaines des vieilles cités de non-droit qui l’auront fait naitre.

<< Retour au sommaire Télécharger le PDF de l’article

PRES@JE.COM

Une publication de l’Institut PRESAJE
(Prospective, Recherche et Etudes Sociétales Appliquées à la Justice et à l’Economie)
30 rue Claude Lorrain 75016 Paris
Tél. 01 46 51 12 21 - E-mail : contact@presaje.com - www.presaje.com
Directeur de la publication : Michel Rouger

Pour ne plus recevoir d’e-mails de la part de Presaje, cliquez ici

>> CONSULTER LES PRECEDENTS NUMEROS