JUIN 2013 - N°20

Les gisements fabuleux de l’économie « quaternaire »

par Michèle Debonneuil, inspecteur général des finances

Nous vivons la fin d’un cycle. La croissance ne reviendra pas avec les recettes de l’économie d’hier. Michèle Debonneuil, spécialiste des services à la personne, décrit l’avènement d’une économie « quaternaire » qui ne voit plus de frontières entre le « secondaire » et le « tertiaire », entre l’industrie et les services. Facilité par la révolution du numérique, le passage à l’économie « quaternaire » se traduira par la naissance de marchés de « solutions ». Des solutions qui vont permettre de transformer la vie au quotidien tout en révélant d’immenses gisements d’emplois nouveaux.


1 – La croissance ne reviendra pas avec les recettes de l’économie d’hier

Baisser les salaires pour améliorer la compétitivité des entreprises n’est pas la bonne solution. Il y a quelque chose de diabolique dans les politiques de rigueur qui finissent par étrangler les populations des pays en difficulté. L’Allemagne n’est pas le modèle à suivre pour réveiller la croissance. Elle a pratiqué pendant une dizaine d’années un politique de baisse des coûts qui a réussi parce que les autres pays… n’en faisaient pas autant. Ses succès viennent de l’inaction de ses partenaires et clients.

Il faut se convaincre que nous vivons la fin d’un cycle. Nous allons assister à la relève d’un cycle de croissance tiré par les gains de productivité des biens industriels, lesquels ont pu satisfaire un grand nombre de besoins : se nourrir, se vêtir, se loger, se déplacer, s’équiper. Mais dès le début du cycle de croissance tiré par les gains de productivité des biens industriels, un problème s’est posé pour la satisfaction de besoins essentiels de services comme l’hôpital, l’école ou l’aide aux personnes fragiles, impossibles à soumettre à la même logique des gains de productivité. D’où la mise en place dans les grandes démocraties d’activités non productrices, ce que l’on appele les « services publics et sociaux », financés par une partie des gains de productivité dégagés par l’industrie. Or le système est à bout de souffle. Les gains de productivité de l’industrie ne suffisent plus à financer des besoins qualitatifs de plus en plus massifs en matière de santé, d’éducation ou de gestion de la dépendance (allongement de la durée de la vie).

 
2 – Nous entrons dans le cycle de la nouvelle « économie quaternaire »

Il n’y a plus de distinction entre les activités « secondaires » et les activités « tertiaires », entre l’industrie et les services. Les deux ont fusionné pour assurer la production de « solutions ». C’est l’explosion des technologiques numériques qui permet de construire un modèle de croissance radicalement nouveau, gisement prometteur de l’emploi.

Là où ils se trouvent, que ce soit dans leur domicile ou dans la rue, les consommateurs ont d’ores et déjà l’accès direct à des biens (Velib, voitures, appareils ménagers ou électroniques) ou à des personnes (service après-vente, aides diverses) susceptibles de répondre à de nouveaux besoins. Autre levier : la possibilité de repérer ou de déclencher automatiquement à distance des changements d’état des biens ou de personnes situées à domicile. Exemples pour les biens matériels : la fermeture et l’ouverture de portes, de volets, de lumières ou d’appareils électroniques. Exemples pour les personnes : la détection de la chute d’une personne âgée ou la présence d’un voleur dans un appartement.

En interconnectant toutes ces possibilités à celles déjà offertes par les échanges de « data » (voix, image, texte), en exploitant les ressources infinies de l’internet des objets, il devient possible de concevoir des « solutions » qui satisferont nos besoins d’une façon complètement nouvelle par rapport aux biens matériels achetés ou aux services rendus jusque là dans des lieux dédiés comme l’hôpital ou le magasin.

 

3 – L’aide à la vie à domicile est un chantier-test de l’économie quaternaire

En attendant l’avènement d’un « réseau quaternaire » entre personnes, entre machines ou entre objets, il faut en passer par la création de plates-formes d’échanges de données numérisées projet par projet. Cela passe par un travail commun entre les entreprises, l’Etat, les collectivités territoriales et les associations. Le chantier est immense. Il est d’ores et déjà ouvert chez les acteurs de l’aide aux personnes en pertes d’autonomie.

D’abord, les entreprises qui s’occupent de la vie à domicile (opérateurs d’eau, gaz, électricité, Legrand, Fichet-Bauche, opérateurs téléphoniques etc.) se sont regroupés dans des consortiums qui mettent en place une plate-forme commune pour faciliter les échanges entre objets : mise en marche ou arrêt des appareils à distance, repérage de pannes, télésurveillance etc. De leur côté, les services sociaux des départements se préoccupent des moyens d’aider les personnes en perte d’autonomie. Et surtout, de leur permettre de vivre à leur domicile en profitant des « solutions » ouvertes par les technologies numériques : chemin lumineux au sol, télésurveillance, commandes à distance. Dans plusieurs régions et départements, des projets public-privé sont développés depuis plusieurs mois, premiers maillons de ce qui deviendra plus tard le réseau quaternaire.

Evidemment, les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer dans ce processus de transformation économique et sociale. Eux seuls peuvent capitaliser les expériences ponctuelles par la mise au point de véritables nouveaux services de l’économie quaternaire. Des services qui seraient standardisés et disponibles en open source. C’est ce que j’appelle la nouvelle infrastructure numérique du quaternaire.

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