Juin 2014 - N°23

Entreprendre et réussir à mille lieux de l’univers high-tech

L’esprit d’entreprise ignore les modes et les frontières de métiers

par Bernard Lecherbonnier, éditeur, directeur de recherche à l’Université de Paris

La « start up » du numérique est l’enfant chérie des médias. Mais l’esprit d’entreprise souffle partout. Vieux et nouveaux métiers, tous sans exception sont ouverts aux entrepreneurs imaginatifs. Bernard Lecherbonnier, éditeur, directeur de recherche à l’Université de Paris a fondé avec des amis l’association « La France qui gagne ». Il décrit trois parcours originaux dans des secteurs réputés saturés : le spectacle, l’hôtellerie et… le musée !


On se souvient du fameux aphorisme de De Gaulle : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche. » Appliquons la leçon aux entrepreneurs. Elle n’a pas pris une ride.

Où sont donc les entrepreneurs qui, non seulement, entreprennent, mais qui, de plus, ont le culot de réussir ?

On a tout à fait raison de supposer que pour créer une entreprise prospère, il vaut mieux se tourner vers le numérique que vers la culture des artichauts ou vers la fabrication de brouettes. Pour autant, le numérique est-il la panacée universelle ? Non.

Le cerveau d’un entrepreneur est une bizarre chose. En gros, ce qu’est la tarte Tatin à la tarte traditionnelle. Une anomalie qui réussit. Louis Renault, Marcel Dassault, Jean-Luc Lagardère, Claude Bébéar sont plus proches de Picasso que de Puvis de Chavannes. Des inventeurs, des visionnaires et aussi des maniaques. Des gens qui fraient leur voie et qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes, quoi qu’il se passe, quels que soient les obstacles. En un mot des génies.

Il est clair que nos universités ne forment pas des génies. Cela se saurait. Il est clair que nos grandes écoles savent mieux formater les intelligences que susciter l’imagination. On sait fabriquer du manager à la chaîne et du gestionnaire au kilomètre. La potion magique d’où sort l’inventeur, on en a perdu la recette, si tant est qu’on l’ait jamais connue.

Néanmoins, nous comptons tous autour de nous des réussites foudroyantes. Souvent cela se produit dans des secteurs apparemment obsolètes. Je pense à Marc Guiraud, le créateur d’AEF, Agence Education et Formation, qui a créé son Agence de Presse spécialisée dans les questions d’Education à un moment où l’avenir des agences de presse semblait bien sombre et où les questions d’éducation n’intéressaient personne. Je pense à tel autre qui a su surfer sur la vague de la parapharmacie pour fonder un groupe important dans le domaine des huiles essentielles. Enfin au fondateur d’une major de l’Intérim alors que l’offre en ce domaine semblait déjà surchargée… Autant de cas, autant de modèles et d’angles d’attaque différents.

Avec quelques amis nous venons de constituer une Association , la France qui gagne, pour mettre en valeur des « success stories » récentes. J’en choisis trois dans des domaines réputés pour être saturés : le spectacle, le musée, l’hôtellerie.

Hazis Vardar

Bergers, les parents d’Hazis Vardar ont dû abandonner les pâturages albanais pour une herbe moins verte à Bruxelles. Le père travaille dans une épicerie de quartier et avec la mère, ils inculquent de solides valeurs à leurs enfants. Hazis et ses frères commencent dans le bâtiment et prospèrent continuellement jusqu’à ce que l’un des frères se pique de théâtre. Un des deux frères écrit, l’autre produit et monte les spectacles. Ils achètent un modeste théâtre bruxellois en faillite, puis un deuxième et d’autres à Avignon, Toulouse. Enfin c’est le grand bond vers Paris pour acquérir l’un des fleurons de la nuit parisienne, le mythique Palace. Il est vrai qu’entre-temps le Clan des Divorcées d’Alil Vardar a fait le tour du monde.

Grâce aux frères Vardar, le Palace qui s’assoupissait retrouve une nouvelle jeunesse et fait salle comble depuis des années avec, à l’affiche, des stars de music-hall qu’ils produisent.

Demain les Etats-Unis ? Les Vardar ne disent pas non.

Philippe Vaurs

Les affaires hôtelières, Philippe Vaurs est tombé dedans tout petit. En 1872 son arrière-grand-mère à créé l’hôtel Regis à Laguiole. Cet hôtel est toujours dans la famille puisqu’il est aujourd’hui dirigé par son oncle. Philippe Vaurs décide cependant de sortir de l’hôtellerie bourgeoise pour se faire un nom dans le luxe… Avec son complice Olivier Lapidus, il fait entrer des matières originales et un design élégant dans des lieux où l’on dort. En quelques années il crée une chaine de prestige : Hotel O, le Five, Seven, Legend Hotel, le Félicien sont quelques uns d’Elegancia Hotels, la ligne d’établissements d’exception qu’il a créée avec son associé.

Eddy Van Belle

Homme d’affaires averti, PDG puis Président de Puratos (filiales dans 63 pays, plus de 6 500 salariés (53 usines, 1,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires), Eddy Van Belle a décidé d’innover dans le champ culturel. Il commence par un musée de l’éclairage, continue par un musée de la frite à Bruges. Ainsi est née la tendance des musées alimentaires dont les musées du chocolat qu’il multiplie à travers le monde.

Si anecdotiques que soient ces exemples, ils fournissent cependant des indicateurs précieux : on ne devient pas, on naît inventeur. La société peut au mieux ouvrir des voies, indiquer des horizons. L’inventeur va où il veut armé de sa seule foi en son projet et de sa détermination. Armé aussi de cette forme d’intelligence originale qui lui dicte, face à l’obstacle, d’effectuer des choix que personne d’autre ne prendrait à sa place. Le grand homme se juge au pied du mur.

Un dernier mot. La société ne sait pas produire d’entrepreneur. En revanche elle sait très bien les tuer.

<< Retour au sommaire Télécharger le PDF de l’article

PRES@ JE.COM

Une publication de l’Institut PRESAJE
(Prospective, Recherche et Etudes Sociétales Appliquées à la Justice et à l’Economie)
Siège social : 2 avenue Hoche 75008 Paris - Courrier : 30 rue Claude Lorrain 75016 Paris
Tél. 01 46 51 12 21 - E-mail : contact@presaje.com - www.presaje.com
Directeur de la publication : Michel Rouger

Pour ne plus recevoir d’e-mails de la part de Presaje, cliquez ici

>> CONSULTER LES PRECEDENTS NUMEROS