JUIN 2016 - N°29

Les finances publiques du Royaume-Uni : le Brexit pourrait faire rechuter un malade en convalescence

Par François ECALLE, président de FIPECO

Le panache et le romantisme insulaire des prosélytes du Brexit ne doit pas faire oublier qu’en dépit des communiqués triomphants sur la croissance et l’emploi, la situation des finances publiques du Royaume-Uni est encore très fragile. Une sortie de l’Union européenne se traduirait par des pertes de recettes qui la dégraderait fortement. Il s’y ajouterait une période d’attentisme préjudiciable à l’activité.


Rapportées au PIB, les dépenses publiques du Royaume-Uni ont augmenté de 5 points de 2000 à 2007 alors que la hausse des recettes a été inférieure à 1 point. La situation de ses finances publiques était ainsi très fragile en 2007, avec un déficit public de 3,0 % du PIB et un déficit structurel (corrigé des fluctuations du PIB) de 4,3 % du PIB selon la Commission européenne.

Elle s’est fortement dégradée avec la crise de 2008-2009 et les mesures de relance qui ont été prises : en 2009, le déficit public était de 10,8 % du PIB, le déficit structurel de 8,0 % du PIB et la dette publique a atteint 86,2 % du PIB (contre 40,2 % en 2000).

Les années 2009 à 2015 ont été marquées par une forte baisse des dépenses publiques, de plus de 6 points de PIB (de 49,6 à 43,2 %), et une légère hausse des recettes (moins de 1,5 point). Le déficit public a donc été nettement réduit, de même que le déficit structurel.

Le déficit public reste néanmoins très important en 2015 (4,4 % du PIB) et la dette a frôlé le seuil de 90 % du PIB. En outre, si les dépenses publiques ont bien diminué en euros constants, la baisse du ratio dépenses / PIB résulte aussi pour partie de la forte croissance de son dénominateur (le PIB a augmenté de 2,0 % en moyenne annuelle en volume), qui n’est probablement pas durable. Cela se traduit par le maintien du déficit structurel à un niveau également très élevé (4,5 % du PIB).

La situation des finances publiques du Royaume-Uni reste donc très fragile et une sortie de l’Union européenne pourrait la dégrader de nouveau très fortement.

Les conséquences d’un tel événement sont largement imprévisibles. D’un strict point de vue économique, les études publiées sur ce sujet (cf. notamment l’analyse de l’OCDE et le rapport du HM Treasury) mettent en avant deux types d’effet, comme le note le « office of budget responsability » (l’homologue du Haut Conseil des finances publiques) dans son dernier rapport.

A long terme, la réduction des échanges commerciaux avec l’Union européenne aurait un effet négatif sur la productivité du Royaume-Uni, surtout du fait d’une moindre concurrence, et donc sur le PIB, le pouvoir d’achat et finalement le produit des prélèvements obligatoires.

Les estimations de cet effet divergent fortement d’une étude à l’autre, et il serait positif selon certaines, notamment parce que les auteurs prennent des hypothèses plus ou moins favorables au Royaume-Uni sur les nouvelles relations qu’il entretiendrait avec l’Union européenne et les autres pays développés. L’Europe commettrait toutefois une très lourde erreur si elle acceptait de renégocier ses relations avec un pays qui la quitte dans des conditions favorables à celui-ci.

Il est donc plutôt probable que l’impact sur le PIB et les recettes publiques du Royaume-Uni serait fortement négatif. Comme ses dépenses publiques sont déjà à un bas niveau par rapport aux autres pays, il serait difficile de les réduire plus. Il existe des marges de hausse des prélèvements obligatoires, mais au détriment du niveau de vie des ménages et de l’attractivité du pays, qui sera déjà affectée par l’éloignement de l’Europe. Une nouvelle aggravation du déficit et de l’endettement public est donc prévisible.

A plus court terme, les études économiques mettent surtout en avant l’incertitude pour les décideurs économiques qui résultera de la mise en place de nouvelles relations avec l’Union européenne. Il est certain que l’incertitude a un impact négatif sur les décisions d’investissement et de recrutement des entreprises, au moins un effet d’attente, et la seule certitude est que la définition de nouvelles relations avec l’Union européenne sera longue et difficile. Il n’est pas possible d’exclure de violents mouvements de capitaux avec des effets déstabilisateurs si l’échec de ces négociations est anticipé.

Il convient enfin de noter que la contribution du Royaume-Uni au budget de l’Union européenne n’est pas un véritable enjeu de finances publiques. Nette des rabais obtenus et des transferts de l’Union en faveur du Royaume, elle ne représente que 0,3 % du PIB.

<< Retour au sommaire Télécharger le PDF de l’article

PRES@JE.COM

Une publication de l’Institut PRESAJE
(Prospective, Recherche et Etudes Sociétales Appliquées à la Justice et à l’Economie)
30 rue Claude Lorrain 75016 Paris
Tél. 01 46 51 12 21 - E-mail : contact@presaje.com - www.presaje.com
Directeur de la publication : Michel Rouger

Pour ne plus recevoir d’e-mails de la part de Presaje, cliquez ici

>> CONSULTER LES PRECEDENTS NUMEROS