JUIN 2016 - N°29

Editorial
EUROP STORY. LUCIDE ou PERFIDE ALBION

Par Michel Rouger, président de l’Institut Presaje

Les Britanniques ont senti le vent mauvais qui souffle sur le Vieux Continent. Au rêve de la génération Jean Monnet, ils opposaient naguère celui d’un grand marché libéral élargi à une Europe Centrale libérée du joug communiste. Aujourd’hui tout les indispose dans les prémisses d’une Europe à direction allemande, fruit d’un impressionnant décrochage de la France. Prenons la peine de les écouter.


Un bon millénaire d’antagonismes et de conflits entre l’Angleterre et la France, étendus, au fil des temps, au Royaume-Uni, ont établi, entre les deux peuples, une relation troublée par la défiance. La perfidie fut le grief plus souvent évoqué par les Français contre leurs voisins, entre deux courtes périodes de cordialités organisées par les diplomates.

En 1904, l’entente cordiale s’est installée entre eux, jusqu’à la proposition britannique faite en 1940 de fusionner les deux pays à la veille de l’effondrement de la France. Cette cordialité, vigilante, a résisté aux horreurs de la guerre. Puis, la France a oublié la perfidie, Albion étant devenue, après mûre réflexion, en 1973, membre de l’Europe institutionnelle.

Comment ces relations vont-elles évoluer quelle que soit la réponse britannique au référendum sur le Brexit ? Perfidie réactivée face à l’égoïsme de leur éloignement, ou lucidité reconnue à nos voisins, face à nos propres échecs communautaires. That’s the question ? Pour éclairer votre réponse, je vous propose ce texte commentant les élections européennes.

«Nous avons voté pour envoyer nos représentants faire les lois et les règlements européens qui constituent 70% des obligations que nous devons respecter, bon gré mal gré. Les explications préalables ont plus que manqué, au point de décourager prés de 60% des électeurs. Comme dans l'auberge espagnole bien connue, chacune des familles qui y sont invitées trouvera dans celle de Bruxelles ce qu'elle y apportera, dans le plus grand désordre.

L'Anglais pensera toujours à son United Kingdom qui ne sera jamais sacrifié au profit d’une Union plus ou moins désunie. Le Français rêvera toujours à son Union politique Européenne dont il serait l’inspirateur. Comprenons ce que cela signifie en termes de pouvoir et d'Etats.

Aux continentaux qui rêvent des Etats-Unis d'Europe, les Anglo-saxons rappellent que ces Etats-Unis existent déjà, qu'ils s'appellent l'Amérique, fondée par leurs ancêtres, avec leur langue, rejoints par les migrants successifs de l’Europe centrale et méditerranéenne. Grâce à quoi les peuples restés sur le sol européen, spécialement les Français, ont été sauvés trois fois, en 1917, 1943, et 1949 des griffes de leurs démons politiques totalitaires et guerriers.

Les rares Français de Londres, qui, avec le Général de Gaulle ont lutté pied à pied pendant quatre ans pour arracher aux alliés Anglo-saxons une place dans la victoire de 1945 ont espéré créer cette Europe avec les Allemands qui avaient besoin de faire oublier leurs crimes. Mais le temps a passé, le couple a vieilli, la fécondité n'est plus là.

Engagées dans cette mutation, les deux grandes nations continentales ont abandonné leurs pouvoirs, au profit d’une l'Europe qui a affaibli leurs Etats respectifs. Sans pour autant créer un vrai pouvoir politique continental. Les Allemands, moins, grâce à leur réunification.

Les Français, absents des mouvements géopolitiques de l’Europe au début des années 90, n’ont rien compris et sont déjà déclassés. Le rêve de la génération Jean Monnet est en train de se diluer dans le projet que nos amis de l'autre côté du tunnel n'ont jamais caché, celui d'un grand marché-espace économique, sans monnaie unique, intégrant l'Europe centrale, que Churchill voulait, en 1944, conquérir avant que les Russes ne l’accaparent. »

Attention ! ce texte concerne les élections européennes de 2004, pas celles de 2014, lors du passage de 15 à 25 membres qui a retardé le débat sur le Brexit.

Qu’observent nos amis Anglais que nous nous obstinons à ne pas voir ?

On se supporte de plus en plus mal au sein du continent et de ses 28 membres. Ils se demandent ce qu’a fait l’Europe institutionnelle pour corriger les dérives devenues mortelles pour la France de plus en plus déclassée, économiquement et politiquement face à l’Allemagne ? Rien ! La France non plus d’ailleurs. Le temps gâché a compliqué la solution. Les peuples n’ont plus la patience d’attendre. Une période de troubles s’annonce.

Les Anglais ont senti monter ce vent mauvais qui souffle du continent, alors que pourraient naître, aux USA, les orages d’une aventure politique populiste moins bienveillante à l’égard de l’inconstance politique de l’Europe continentale qu’ils ont sauvée en 1945. S’y ajoutent les risques d’un retour de la Russie et de ses intérêts stratégiques pour un glacis protecteur.

Toujours aussi attentifs aux mouvements géopolitiques qui agitent le Moyen Orient qu’ils n’ont jamais quitté des yeux, ils ne voient pas bien où peuvent mener, économiquement et politiquement, les relations germano turques dans une Europe sous direction allemande.

Brexit ou pas, en 2016 ou plus tard, nos amis Anglais sont déjà prêts, dans leur tète, à rentrer dans leurs ports, d’où ils repartiront, le moment venu, pour aider l’Europe et la France à sortir du énième pétrin historique dans lequel elles se seront fourrées.

Le peuple Anglais vit ses interrogations que notre monarchie Républicaine ignore. Comme à chaque fois, depuis 2 siècles, qu’il a ressenti l’inquiétude, il se tourne vers cette autre partie de lui même, qui règne à Washington, pour sauver l’avenir. Et pour faire triompher leur vision d’une Europe marchande politiquement apaisée. Essayons de les comprendre !

Michel ROUGER

<< Retour au sommaire Télécharger le PDF de l’article

PRES@JE.COM

Une publication de l’Institut PRESAJE
(Prospective, Recherche et Etudes Sociétales Appliquées à la Justice et à l’Economie)
30 rue Claude Lorrain 75016 Paris
Tél. 01 46 51 12 21 - E-mail : contact@presaje.com - www.presaje.com
Directeur de la publication : Michel Rouger

Pour ne plus recevoir d’e-mails de la part de Presaje, cliquez ici

>> CONSULTER LES PRECEDENTS NUMEROS